Analyse de l'UPSME : plafonds micro-entrepreneur

C’est lors d’un entretien le 17 février 2016 avec Monsieur le Député Laurent GRANDGUILLAUME que l’UPSME a eu l’occasion d’évoquer l’hypothétique triplement des seuils de chiffre d’affaires envisagé par Monsieur le Ministre Emmanuel MACRON. La loi SAPIN 2, repoussée au 23 mars, devrait finalement opter pour un lissage des seuils en autorisant les micro-entrepreneurs à conserver le bénéfice du régime  pendant deux ans à condition de ne pas dépasser le double des plafonds actuels.

Il nous semble intéressant d’expliquer aux micro-entrepreneurs, outre les arguments de concurrence évoqués par le ministre, en quoi ce triplement des plafonds du régime de la micro-entreprise aurait été à la fois improductif pour redonner une attractivité au régime et une fausse opportunité fiscale en l’absence de toute déduction de charges.

L’UPSME s’engage dans la professionnalisation des micro-entrepreneurs

L’Union Professionnelle au Service de la Micro-Entreprise (UPSME) a  défini ce qui sera sa ligne politique au service d’un statut qui représente aujourd’hui une création d’entreprise sur deux, malgré un très net tassement en 2015. Constatant l’absence de tout interlocuteur prêt à faire le relais entre les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs touchant à la micro-économie, notre organisation souhaite jouer ce rôle d’interface afin d’une part de promouvoir, protéger et accompagner les micro-entrepreneurs dans leur professionnalisation et d’autre part de valoriser et améliorer le régime de la micro-entreprise en corrigeant ses nombreux dysfonctionnements afin que les créateurs puissent se consacrer pleinement au développement de leur activité.

Notre analyse concernant cette annonce d’évolution des seuils de chiffre d’affaires du régime de la micro-entreprise s’inscrit dans une mission de décryptage et de diffusion de l’information afin que les acteurs du régime ne soient plus de simples spectateurs de leur environnement professionnel mais puissent enfin appréhender les débats et y prendre part.

Rappel de la philosophie du régime de la micro-entreprise

En 2009, la devise des pouvoirs publics à l’époque était simple : « Travailler plus pour gagner plus ». Dans l’ensemble des mesures envisagées, il fallait mettre à disposition de tous les créateurs « en herbe » un dispositif qui devait permettre de créer rapidement une structure juridique et de tester la pérennité économique du projet. Hervé Novelli imaginait et présentait le régime de l’auto-entrepreneur. Simplicité dans sa création et souplesse dans son fonctionnement, le régime a connu un succès auprès d’une population hétéroclite qui trouvait là le moyen de compléter des revenus (salariés ou retraités) ou de tester et de développer un concept innovant (créateurs).

Les seuils de chiffre d’affaires pour pouvoir bénéficier du régime micro-social (déclaration et paiement simplifié des charges sociales) étaient fixés à 32000 € et 80000 € HT, adaptés à la philosophie du dispositif. Sept ans plus tard, ils sont établis pour une période de trois ans qui se terminera fin 2016 et sont de 32900 € HT pour les activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et les bénéfices non commerciaux (BNC) et 82200€ HT pour les activités de vente et de locations de meublés et de gîtes.

Quelles auraient été les conséquences de ce triplement de plafonds ?

Une mesure éloignée de la réalité économique des micro-entrepreneurs

Les études statistiques montrent aujourd’hui que sur le million de micro-entrepreneurs déclarés, seul un peu plus de la moitié est économiquement actif. Sur cette part, 33 % déclarent un chiffre d’affaires qui se situe entre 1 € et 3000 €, 11% entre 3001 € et 6000 €, 5 % entre 6001 € et 10000 € et à peine 2 % déclarent un chiffre d’affaires supérieur à 10000 €. Enfin, on notera que le chiffre d’affaire moyen annuel s’élève à environ 13000 €.

De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer, en 2015, le recul des immatriculations et notamment pour les micro-entrepreneurs. Dans les solutions proposées pour relancer ce statut de l’entrepreneur individuel (unifié à compter du 1er janvier 2020) et de son régime de la micro-entreprise, si l’une des mesures retenues avait été l’initiale proposition de Monsieur le Ministre Emmanuel MACRON de triplement des seuils, alors, en tenant compte de ces éléments statistiques ci-dessus, celle-ci aurait été tout autant inutile qu’éloignée des préoccupations actuelles des micro-entrepreneurs.

Une mesure qui nous semble éloignée de la réalité fiscale des micro-entrepreneurs

Pour être complet sur l’attractivité de cette mesure, nous avons également fait la comparaison entre le régime de droit commun (réel) et celui de la micro-entreprise (micro-social et micro-fiscal simplifiés) en réalisant une simulation sur quatre niveaux de chiffre d’affaires pour deux types d’entrepreneurs individuels (réel et micro) et pour deux catégories de bénéfices (BIC et BNC).

La difficulté d’appréhender de manière précise les charges moyennes de l’entrepreneur individuel ayant opté pour la déclaration au réel (qui influencent directement le montant des charges sociales dues), nous nous sommes appuyés sur un BIC et un BNC unifiés. Pour cela, nous avons effectué nos calculs sur les chiffres d’affaires minorés de l’abattement forfaitaire de 50 % et 34 %.

Nous avons enfin voulu nous appuyer sur un volume de charges sur trois années pleines, la première année étant peu significative à tout point de vue.

Le constat est également sans appel. L’entrepreneur individuel, ayant opté pour le régime de la micro-entreprise, est défavorisé par rapport à son collègue qui aura opté pour le régime de droit commun (réel).

La raison est simple : l’impossibilité, dans le cadre de la micro-entreprise, de déduire les charges courantes d’exploitation qui,  rappelons-le, influencent directement le montant des charges sociales à payer.

Avant de voir les pistes qu’il serait intéressant d’explorer, notre conclusion sera de dire qu’un triplement des seuils de chiffre d’affaires dans le cadre du régime micro-social simplifié est une mesure à la fois inutile en terme d’attractivité pour la micro-entreprise et dangereuse en terme de compétitivité pour le micro-entrepreneur qui devrait ajuster ses prix de vente pour compenser la hausse importantes de ses charges sociales.

Partageant de plus le constat fait par Monsieur le Ministre Michel SAPIN, nous n’avons pas besoin d’évoquer les conséquences d’une telle décision pour les artisans qui auraient vu là une raison pour rallumer un conflit que les dispositions de la Loi dite « PINEL » avaient eu bien du mal à éteindre.

Un compromis ministériel qui rejoint les propositions de l’UPSME

Dès lors que l’on a prouvé que le régime de la micro-entreprise doit conserver ses fondamentaux, simplicité, souplesse, complément de revenus ou activité principale, capacité à tester un projet dans des conditions avantageuses et sécurisées, on doit être en mesure de proposer des pistes de réflexion pour que le micro-entrepreneur puisse aborder en toute sérénité son parcours de croissance.

Le créateur d’entreprise, porteur d’un projet innovant, peut avoir de nombreuses craintes avant de se lancer dans l’aventure. On sait désormais qu’en optant pour le statut de l’entrepreneur individuel et le régime de la micro-entreprise, il va être en capacité d’en tester sa viabilité, de trouver sa clientèle, d’apprendre à devenir un chef d’entreprise, de ne pas risquer son patrimoine tout en payant des charges faibles calculées sur le chiffre d’affaires réalisé.

  • Première hypothèse : le projet rencontre un succès immédiat, la clientèle est au rendez-vous, les perspectives de développement sont avérées et pertinentes. Sans hésitation, le micro-entrepreneur est dans l’obligation de s’inscrire dans un réel parcours de croissance et va donc évoluer, juridiquement, vers un autre statut et un régime au réel.
  • Deuxième hypothèse : le projet est un succès avec une hausse régulière du chiffre d’affaires pour atteindre, au bout de quelques années, un volume qui le place proche des seuils. S’inscrire dans un parcours de croissance n’est pas forcément justifié. Néanmoins, le micro-entrepreneur peut être confronté à un pic d’activité en fin d’année qui risque de lui faire dépasser les seuils, y compris de tolérance actuels. Cela peut être occasionnel et il refusera logiquement le travail supplémentaire.

L’UPSME est donc favorable à la possibilité d’un relèvement des seuils de chiffre d’affaires sur une période limitée. En effet, en imaginant que durant deux années consécutives, le micro-entrepreneur dépasse le chiffre d’affaires normal et utilise au maximum la possibilité de dépasser ce doublement de seuil, on doit lui poser la question de son avenir : souhaite-t-il conserver les bénéfices de ce régime ou doit-il évoluer vers un autre régime basé sur une déclaration au réel ?

La réflexion menée par Messieurs les Ministres Emmanuel MACRON et Michel SAPIN devrait aboutir à une solution à la fois moins anxiogène pour un dépassement très ponctuel et plus incitative pour basculer dans un parcours de croissance porteur de plus de richesse et d’épanouissement.
À l’instar de Monsieur le député Laurent GRANDGUILLAUME, nous considérons qu’il n’existe pas véritablement un régime plus avantageux qu’un autre. Il faut simplement que le choix de celui-ci soit en corrélation avec la situation économique et fiscal de chaque entrepreneur et de son projet.

Dans toutes les discussions qui vont s’engager, l’UPSME souhaite être à la fois le trait d’union entre les acteurs de la micro-économie afin qu’ils soient tous entendus ainsi que l’initiateur de propositions concrètes qui permettront à la micro-entreprise d’être à nouveau le fer de lance d’une économie nouvelle.

Vous pouvez consulter le Projet de Loi : Projet de Loi Sapin 2.

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