La formation des micro-entrepreneurs au bord de l'explosion

Le communiqué du FAFCEA, en ce début d’année 2019, vient semer un peu plus le trouble dans le dossier de la formation professionnelle des micro-entrepreneurs.

Le FAFCEA suspend à compter du 15 mars 2019, et jusqu’à nouvel ordre, toutes les demandes de financement transmises par les micro-entrepreneurs relevant de cet OPCA. En cause, des ressources 2018 réduites de moitié par rapport à l’année précédente en raison d’une réforme de la collecte des contributions à la formation professionnelle des artisans, mise en place par le précédent gouvernement.

Au cours des dernières années, de nouvelles activités sont apparues sans que les organismes sociaux jugent nécessaire de réformer les critères d’immatriculation et d’affiliation. Si rien n’est fait, c’est toute la formation professionnelle des micro-entrepreneurs qui est au bord de l’explosion. Le FAFCEA aujourd’hui, mais demain c’est l’AGEFICE et le FIF-PL qui pourraient suivre.

Un communiqué du FAFCEA qui sonne comme un ultimatum

Jusqu’au 31 décembre 2017, la contribution à la formation professionnelle des travailleurs indépendants immatriculés au répertoire des métiers était collectée par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), lors du règlement de la Contribution Foncière des Entreprises (CFE). À compter du 1er janvier 2018, cette compétence a été attribuée à la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI – ex-RSI).

Tout est parti d’un rapport de la Cour de Comptes de 2016 dans lequel les sages ont mis en avant un allègement des coûts de collecte mais, en même temps, ont modéré leurs propos en précisant que ce transfert devait se faire dans des conditions maximales de sécurité.

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, a modifié l’article L.6331-51 du Code du travail, confirmant la compétence des URSSAF pour le recouvrement de la formation professionnelle des artisans immatriculés au répertoire des métiers et précisant que ces dispositions s’appliqueraient à partir du 1er janvier 2018.

Dans une certaine précipitation, et sans suivre toutes les recommandations de la Cour des comptes, le transfert a été effectué. Il s’en est suivi la « disparition » de 170 000 affiliés. Les cotisations n’ayant pas été appelées, le FAFCEA doit faire face aujourd’hui à un « trou » budgétaire de 32 millions d’euros.

Malgré de multiples relances, auprès de l’ACOSS, pour obtenir la régularisation de ce dysfonctionnement, le FAFCEA n’a pas eu d’autre solution que d’annoncer la suspension de la prise en charge des formations à compter du 15 mars 2019.

 Les micro-entrepreneurs directement impactés par cette décision

Pour tous les micro-entrepreneurs immatriculés au Répertoire des métiers, et désireux d’obtenir la prise en charge de leurs formations, c’est la douche froide.

En effet, contrairement aux artisans relevant du régime de droit commun, les micro-entrepreneurs s’acquittent de leur contribution à la formation professionnelle en même temps qu’ils payent leurs cotisations sociales. Elle est calculée suivant un taux de 0,30% appliqué sur le chiffre d’affaires encaissé.

Cette collecte ne souffre d’aucun dysfonctionnement. Néanmoins, les micro-entrepreneurs sont devenus les otages involontaires d’un problème qui ne les concerne pas.

La riposte de l’URSSAF ne s’est pas faite attendre

Vendredi dernier, l’URSSAF n’a pas tardé à réagir en apportant un démenti catégorique aux accusations du FAFCEA.

Pour l’organisme collecteur, cette baisse importante de la collecte des fonds de formation est due à une rectification du fichier transmis par la DGFiP. Celui-ci présentait en effet de nombreuses anomalies qui ont été rectifiées. L’URSSAF a notamment supprimé :

  • Les chefs d’entreprise de la construction qui ont un statut de salarié et qui n’ont pas à cotiser au FAFCEA (ils cotisent à Constructys),
  • Les artisans ayant cessé leur activité,
  • Les micro-entrepreneurs qui paient la CFP par ailleurs,
  • Les entrepreneurs ayant plusieurs sociétés qui étaient appelés pour chacune d’entre elles alors que la CFP est due sur le chef d’entreprise uniquement.

L’UPSME n’a que faire de savoir qui a raison ou qui a tort. Si les personnes en charge de ce dossier, dans les ministères et les organismes sociaux, avaient pris leur responsabilité et avaient opté pour la continuité des prises en charges, les artisans ne seraient pas aujourd’hui les victimes d’un bras de fer ridicule qui n’a pas sa place ici.

La formation professionnelle des micro-entrepreneurs au bord de l’explosion

D’une manière plus globale, c’est toute la formation professionnelle des micro-entrepreneurs qui subit de plein fouet des dysfonctionnements issus d’une absence coupable de toute prise de décision des pouvoirs publics et des organismes sociaux responsables dans la collecte de la contribution à la formation professionnelle.

Le FAFCEA face à des formations qui ne relèvent pas de l’artisanat

Depuis deux ans, et sous l’injonction du ministère du Travail, le FAFCEA a été dans l’obligation d’effectuer des prises en charge de formation pour des métiers qui ne relèvent pas de sa compétence première.

Plusieurs métiers du bien-être comme par exemple les réflexologues sont affiliés au groupe administratif « artisan » de la Sécurité Sociale des Indépendants et sont donc rattachés au FAFCEA pour la formation. En revanche, le code ape correspondant, le 8690F, n’a jamais fait parti de la liste des activités relevant de la compétence des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

Naturellement, en conformité avec ses directives de prises en charge, le FAFCEA a, pendant des années, refusé toute prise en charge. Les contributions à la formation acquittées par les micro-entrepreneurs à hauteur de 0,30% de leur chiffre d’affaires étaient pourtant régulièrement perçues par le FAFCEA comme le mentionnaient les attestations « CFP ».

Il faudra une intervention du Ministère du Travail pour que le FAFCEA accepte de revoir sa position tout en stipulant que les études de dossier seraient réalisées dans le cadre de leurs critères d’attribution.

L’AGEFICE face à des activités qui ne sont pas de sa compétence

Le 1er janvier 2018, la loi de financement de la sécurité sociale a profondément réformé la liste des activités relevant du camp de compétence de la CIPAV. Celles qui en ont été exclues, en fait la quasi-totalité, ont basculé dans le régime de prévoyance santé et retraite de la Sécurité Sociale des indépendants (SSI). Elles ont été affiliées dans le groupe de gestion administrative « commerçant » et sont donc rattachées à l’AGEFICE.

C’est ainsi que l’AGEFICE va se retrouver, à compter du 1er janvier 2019, à prendre en charge des formations qui relevaient précédemment du FIF-PL. En sachant également que les dossiers de financement seront présentés par des micro-entrepreneurs dont l’activité ne relève pas des critères d’attribution de l’AGEFICE.

Au 1er janvier 2019, l’AGEFICE se retrouve dans une situation identique à celle du FAFCEA, deux ans en arrière.

Le FIF-PL asséché par le transfert des activités « CIPAV » vers la Sécurité Sociale des Indépendants

À compter du 1er janvier 2019, pendant que l’AGEFICE doit faire face à un afflux des demandes, à l’inverse le FIF-PL va subir de plein fouet la réforme des professions libérales affiliées à la CIPAV.

Entre les micro-entrepreneurs nouvellement créés à partir du 1er janvier 2018 et ceux qui ont la possibilité de quitter la CIPAV entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2023, c’est, à terme, plus de 500 000 micro-entrepreneurs qui vont quitter le giron du FIF-PL.

Comme pour le FAFCEA, cet organisme va devoir s’adapter face à une baisse importante de ses ressources avec toutes les conséquences économiques que l’on peut imaginer.

L’URSSAF incapable d’appliquer les bons taux de contribution à la formation professionnelle

Les micro-entrepreneurs doivent s’acquitter d’une contribution à la formation professionnelle en même temps qu’ils payent les cotisations sociales correspondantes à leur chiffre d’affaires encaissé.

Le taux de cette contribution varie en fonction de l’activité exercée et est définie à l’article L.6331-48 du Code du travail :

  • Activités de commerce (achat/vente): 0,10%
  • Prestataires de services et professions libérales: 0,20%
  • Artisans relevant de la CMA: 0,30%

Si la Sécurité Sociale des Indépendants est en capacité d’appliquer les taux de 0,10% et 0,30%, en revanche, elle n’est pas en mesure de faire la même chose pour le taux de 0,20%.

Conclusion

Parce qu’elle n’a pas su faire évoluer son offre de service, la Sécurité Sociale des Indépendants :

  • ne respecte pas la loi,
  • n’assure pas une collecte correcte des fonds de la formation professionnelle des micro-entrepreneurs,
  • n’attribue pas les bons organismes de formation en fonction de l’activité exercée.

Une nouvelle fois, l’UPSME tire la sonnette d’alarme.

Dans l’urgence, l’ACOSS doit débloquer une enveloppe budgétaire en faveur du FAFCEA pour lui permettre de reprendre sa mission de prise en charge des formations des micro-entrepreneurs relevant de sa compétence.

À très court terme également, si rien n’est fait, c’est des centaines d’organismes de formation qui vont être les otages d’un dysfonctionnement pour lequel les pouvoirs publics ont fait preuve à la fois d’une négligence coupable mais également d’un manque de réactivité inadmissible.

il sera toujours temps, ensuite, de se mettre autour d’une table et de discuter entre personnes intelligentes et responsables.

Enfin, et si les pouvoirs publics ne veulent pas voir la formation professionnelle des micro-entrepreneurs exploser, victime de tous les dysfonctionnements que nous venons de voir, il devient urgent que le Ministère du travail remette un peu d’ordre dans les conditions d’affiliation des organismes sociaux.

On rappellera qu’en 2019, la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ,qui met l’accent sur la formation, est mise en œuvre…

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Cet article a 2 commentaires

  1. Bonjour, les artisans se sont mobilisés depuis quelques jours sur ce sujet. Vous pouvez signer la pétition ici http://chng.it/mhPqGMCGjW et rejoindre le groupe facebook “Pour le maintien des remboursements des formations des artisans”. Merci de bien vouloir relayer cette pétition !
    #LesArTisAnsDéfOrMés

  2. Rouanet

    Bonjour,
    En vue de tout ces problèmes pourquoi en tant qu artisan devrai je payer la cotisation à la formation pro cette année? Puisque les formations que j’aurai dû effectuer ne pourrons être pris en charge malgres mes cotisations! Il serait normal de ne pas payer ma part au rsi.

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