C’est le journal « Les Echos » qui a révèle cette information, véritable bombe parmi les micro-entrepreneurs en activité. Dès le 1er octobre 2019, sans aucune concertation, le gouvernement envisagerait de réformer en profondeur l’ACRE, niche sociale “nouvelle formule”, mise en place au 1er janvier 2019, et dont bénéficient tous les nouveaux micro-entrepreneurs.
Les micro-entrepreneurs immatriculés depuis le 1er janvier 2019 ainsi que ceux qui s’immatriculeront à compter de 1er octobre 2019 devraient subir une très forte hausse de leurs cotisations sociales.
Un gouvernement dépassé par le succès de la micro-entreprise
Ce coup de rabot vise tout simplement à réduire les effets de trois années de charges sociales réduites dont bénéficient les micro-entrepreneurs durant les premières années d’activité : 75 % de réduction la 1ère année, la moitié la 2ème année et 25% la 3ème et dernière année. Rien de nouveau puisque ce dispositif existait déjà avant 2019. Sauf qu’au 1er janvier de cette année, il a été généralisé à TOUS les micro-créateurs. C’est la contrepartie logique de « l’année blanche » promise à tous les autres créateurs d’entreprises, conséquence d’une promesse du candidat MACRON à l’élection présidentielle.
Favorisé par la reprise économique, le doublement des plafonds de chiffre d’affaire et l’entrée en vigueur de la loi PACTE, le niveau de création des micro-entreprises va atteindre cette année de nouveaux records.
Le coût de ces exonérations sociales, qui était de 446 millions d’euros en 2018, atteindrait 1,4 milliards d’euros en 2022. Cette situation n’avait pas été anticipée par le gouvernement qui cherche maintenant à « réduire la voilure » coûte que coûte. L’objectif est une économie de 200 millions d’euros en 2020 et de 800 millions d’euros à l’horizon 2022.
L'ACRE à trois vitesses pour les micro-entrepreneurs
La réforme qui est envisagée non seulement réformerait en profondeur l’ACRE avec :
- La suppression de l’exonération dégressive,
- L’abaissement du taux d’exonération unique pour les créateurs
- des dispositions transitoires pour les micro-entrepreneurs qui ont bénéficié de l’ACRE au 1er janvier 2019.
mais aboutirait également à gérer trois dispositifs ACRE différents !
L'ACRE pour les nouveaux micro-entrepreneurs à compter du 1er octobre 2019 : suppression de la dégressivité
Il serait question d’une part de maintenir le dispositif pour tous les créateurs, et d’autre part d’accorder l’exonération partielle sur la 1ère année (trimestre de création plus les trois trimestres suivants soit un total maximum de 12 mois) en supprimant le système de taux dégressif.
L'ACRE pour les micro-entrepreneurs immatriculés depuis le 1er janvier 2019 : des taux de réduction minorés
Il s’agirait de mettre en place un dispositif transitoire avec :
- Le maintien pour la 1ère année du taux bénéficiant d’une réduction de 75 %
- Un taux réduit de 25% la 2ème année
- Un taux réduit de 10% sur la 3ème et dernière année.
Les simulations que nous avons faites portent sur le chiffre d’affaires moyen annuel (source ACOSS) du micro-entrepreneur en 2018 : 14 500 €. Le différentiel de cotisations sociales, sur la période de 3 ans représente un surcoût de 1300 €.
En conclusion, c’est faire bien peu de cas des prévisionnels réalisés par les micro-créateurs qui ont étudié la viabilité économique de leur projet entrepreneurial avec des cotisations réduites sur une durée de 3 ans. C’est balayé d’un revers de la main une promesse électorale et le discours ministériel où la priorité est donnée au travail et à la création d’entreprise.
L'ACCRE pour les micro-entrepreneurs immatriculés avant le 1er janvier 2019 : rien ne change
Rien ne change pour eux. Ils vont continuer à bénéficier de l’ACCRE avec les trois années de réduction des cotisations sociales : 75%, 50% et 25%.
En résumé, le gouvernement s’apprête à demander à l’URSSAF de gérer pas moins de TROIS dispositifs de réduction des cotisations sociales des micro-entrepreneurs :
- ceux d’avant le 1er janvier 2019,
- ceux immatriculés depuis le 1er janvier 2019,
- ceux immatriculés à compter du 1er octobre 2019.
La France est le seul pays au monde a être capable de fabriquer “sur mesure” de véritables usines à gaz, tout en continuant à prôner de la simplification dans les démarches administratives !!!
L’UPSME dénonce une réforme de l'ACRE bâclée et injuste
Pour plusieurs raisons, l’UPSME s’oppose à cette réforme.
- Ce projet de décret a été fait dans la précipitation sans aucune étude d’impact sur d’une part la vie de nos micro-entreprises avec cette hausse brutale des cotisations, et d’autre part sur le volume toujours plus important de création de micro-entreprises. Combien ne vont pas s’immatriculer et encore combien vont décider d’arrêter leur activité et retourner vers les minimas sociaux ? N’aurait-il pas était préférable de voir en priorité les apports bénéfiques de la micro-entreprise sur la richesse produite plutôt qu’un coût théorique de cotisations sociales non perçues ?
- Le gouvernement n’a lancé aucune consultation, n’a recherché aucun « débat ». Il n’y pas longtemps, Emmanuel MACRON nous annonçait qu’il avait changé et que désormais il allait, lui et son gouvernement, faire de la politique autrement : moins de verticalité et plus de dialogue pour prendre le temps de comprendre et d’expliquer. Encore une promesse qui n’aura tenu que le temps d’un été …
- L’URSSAF et l’ACOSS ont-ils été consultés ? Leur a-t-on demandé si l’effet d’aubaine a bien été neutralisé dans l’informatique approximative de l’URSSAF ? L’UPSME pose aujourd’hui cette question car nous avons la preuve par l’écrit que les micro-entrepreneurs qui ont clôturé leur activité au dernier jour d’un mois, ont pu redémarrer leur activité dès le 1er jour du mois suivant avec un code ape différent et l’ACRE pour une durée de 3 ans !!! On nous avait pourtant assuré que des dispositions avaient été prises … C’est faux ! Et dans ces conditions, quel est l’impact de cet effet d’aubaine sur les projections utilisées pour appuyer cette réforme ?
- On peut enfin avoir des doutes sur la capacité de l’URSSAF à gérer ce nouveau casse-tête chinois où il va falloir faire cohabiter des micro-entrepreneurs avec l’ACCRE ancienne version, l’ACRE transitoire et l’ACRE nouvelle version !!! Et tout ça à quelques semaines de la disparition de la SSI, de la CPAM pour tous les travailleurs indépendants et un URSSAF seul au commande pour gérer et encaisser les cotisations sociales de 7 millions de travailleurs indépendants (avec l’aide de deux systèmes de gestion informatique incompatibles entre eux).
- Puisque le problème viendrait du nombre, n’aurait-il pas été plus judicieux de revenir à une attribution de l’ACRE selon des critères de situation plutôt que sur un critère de revenus qui, compte tenu de son montant, faisait que TOUS les micro-entrepreneurs y avaient droit ? Pas de dialogue, donc pas de proposition alternative … Méthode jupitérienne qui a donné naissance au mouvement des « Gilets Jaunes ». C’est tout à fait regrettable.
Conclusion
Le régime de la micro-entreprise, auto-entreprise à l’époque, est apparu le 1er janvier 2009. Il fête donc ses 10 ans cette année. Si l’on devait faire un bilan à cette occasion, il serait le suivant. Le succès qu’il a remporté auprès des créateurs d’entreprise est incontestable : simplicité de création, de gestion, des cotisations sociales payées en fonction de l’activité. Ces ingrédients lui ont permis d’être plébiscité et de se placer chaque année en tête des immatriculations d’entreprises.
En revanche, côte politique, le constat est loin d’être le même. Pendant 10 ans, les micro-entrepreneurs n’auront servi que de variable d’ajustement sur le chômage quand ce n’était pas pour boucler les budgets de la sécurité sociale ou des finances. Conséquence de ce fait : des réformes plus ou moins réussies chaque année.
Triste réalité d’un régime qui n’aura jamais su trouver sa place dans une économie en pleine mutation par la faute d’un manque évident de courage politique mais également parce que les micro-entrepreneurs n’auront jamais su être totalement solidaires, préférant la protestation stérile des réseaux sociaux plutôt que l’action collective, contre-pouvoir nécessaire et indispensable si l’on veut faire entendre sa voix.
En 2020, une fois encore, ils vont le payer au prix fort.