Un message reçu par un partenaire de l’UPSME à propos d’un incident survenu sur un salon du bien-être, nous donne l’occasion de faire le point sur la notion de refus de vente et celle encore plus importante du motif invoqué pour se justifier.
Sur ces deux points, la loi est très claire et très précise : le refus de vente est formellement proscrit dans une relation professionnel/particulier. Et le faire en faisant allusion à un motif discriminatoire comme par exemple l’origine, le sexe ou l’âge est passible d’une amende de 75 000 euros et de 5 ans de prison (articles 225-1 et suivants du Code pénal).
Préambule
Il est évident que cet article va venir “titiller” les consciences de toutes celles et de tous ceux qui exercent dans les métiers du bien-être et des soins non conventionnels, et principalement les masseuses et les masseurs qui sont confrontés au quotidien par des demandes qui sortent clairement du cadre normal de leur activité.
Le harcèlement dont ces micro-entrepreneurs peuvent être victimes de la part de personnes bien mal intentionnées peut les amener à prendre des dispositions radicales qui sont malheureusement illégales.
Vous allez ainsi constater que vous pouvez le dire verbalement en prenant néanmoins quelques précautions, mais vous ne pouvez en aucun cas le formaliser sur des documents comme vos CGV ou votre information précontractuelle.
Le refus de vente fondé sur une relation commerciale entre un professionnel et un particulier (B2C)
Est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime ;[…] Les dispositions du présent article s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public.
Cette interdiction ne concerne que les relations commerciales qui s’établissent entre un professionnel (micro-entrepreneur) et un particulier. En effet, depuis le 1er juillet 1996 et la “loi Galland”, le professionnel peut légitimement refuser de vendre un bien ou un service à un autre professionnel.
Si votre client est en mesure de prouver votre refus de vendre, il pourra adresser une plainte au procureur de la République. Le refus de vente est sanctionné pénalement par les peines d’amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe – soit 1 500 euros maximum pour une personne physique (articles 131-13, 5° et 131-38 du code pénal). À l’inverse, si votre client ne dispose pas de preuve formelle, il pourra néanmoins faire un signalement à la DGCCRF. Si celle-ci, suite à une enquête, constate l’infraction, elle peut vous enjoindre de cesser vos pratiques ou transmettre le dossier au procureur de la République.
Le refus de vente peut être parfois légitime
Le micro-entrepreneur peut déroger au principe d’interdiction s’il a un “motif légitime” (article L. 121-11 du code de la consommation). Faute de définition légale de la notion de “motif légitime”, c’est au juge qu’il est revenu le soin d’identifier ces exceptions :
- L’indisponibilité du produit ou du service. Le refus de vente est donc légitime si le micro-entrepreneur n’a pas, ou n’a plus, le produit que son client désire acheter. Cela vaut également pour une prestation de service que le micro-entrepreneur ne peut pas effectuer. Aucun texte légal n’impose au professionnel (micro-entrepreneur) de se réapprovisionner spontanément. Il n’est pas tenu de commander, de lui-même, le produit indisponible, ou absent du stock.
- Le caractère anormal de la demande. La demande est considérée comme anormale dès lors qu’elle n’est pas conforme aux conditions de vente ou de prestation de services habituellement proposées par le micro-entrepreneur. L’anormalité de la demande peut ainsi résulter de la quantité de produits demandés. De même, le micro-entrepreneur est en droit de s’opposer à la vente de l’un de ses produits si la personne ne présente pas les qualifications exigées par la loi (ou des installations insuffisantes). La jurisprudence fait également rentrer dans les demandes anormales celles qui émanent de clients à l’insolvabilité notoire.
- La mauvaise foi de l’acheteur. Le comportement insultant et/ou l’impolitesse d’un consommateur peut également justifier un refus de vente de la part du micro-entrepreneur.
Vous devez donc retenir que tout refus de vente sur de simples convenances personnelles sera considéré comme illégal.
Le refus de vente fondé sur une discrimination
C’est ni plus ni moins qu’un délit conformément aux articles 255-1 et suivants du Code pénal. Et que dit la loi en la matière ?
Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.
L’article 225-2 vient préciser les modalités de la discrimination :
La discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste :
- 1° A refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
- 2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;
- 3° A refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
- 4° A subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue à l’article 225-1-1 ;
- 5° A subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue à l’article 225-1-1 ;
- 6° A refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
Le micro-entrepreneur exerçant dans un local professionnel (considéré comme un lieu accueillant du public) et qui ferait usage d’un motif discriminatoire, encourt une peine de prison de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Les preuves de la discrimination
La charge de la preuve va incomber au client du micro-entrepreneur et toutes les preuves accumulées ne seront pas toutes recevables devant un tribunal. L’enregistrement à l’insu du micro-entrepreneur, par exemple, n’est pas admis. De même, le client du micro-entrepreneur ne pourra pas produire des pièces vous appartenant : il s’agit d’un vol.
En revanche, le législateur autorise la pratique du « testing » (article 225-3-1 du code pénal). Également appelé test de situation ou test de discrimination, le « testing » consiste à comparer les traitements réservés à deux personnes placées dans une situation comparable dans le cadre d’un processus de sélection, comme par exemple la prise d’un rendez-vous.
Pour que ce test soit concluant, il faut rendre incontestable la différence de traitement, l’identification de l’auteur de l’acte et le motif à l’origine du comportement discriminatoire.
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